Billets qui ont 'Poutine, Vladimir' comme nom propre.

Macron au deuxième tour

Lu sur twitter :
Sebastian Marx
Les français en 2002 : "Oh putain, c'est Le Pen en 2eme !" Les français en 2017 "Ouf, Le Pen est qu'en 2eme !"
Macron est arrivé premier.
Trump, le Brexit, B., la folie qui semble s'être emparée de la planète depuis neuf mois est en suspens un moment.
Dans les contacts FB ou Twitter déçus, je lis deux types de réactions : ceux qui accusent Macron de continuer le hollandisme (sous-entendu des mesures tièdes et une absence de mouvements et de réformes) et ceux qui l'accusent d'être à la botte de la haute-finance (sous-entendu un ultra-libéralisme débridé qui va démembrer la France).
Cela me paraît de bon augure. Par expérience, je sais qu'être sous le feu d'accusations contradictoires est le signe d'une certaine liberté de pensée, d'une pensée qui déconcertent ses contradicteurs qui eux-mêmes pensent par rapport à une norme figée.


Il reste à ce que Macron soit élu au second tour. Ce n'est pas encore fait et une menace inattendue se précise : Le Monde et L'Obs mettent en garde contre une intervention de la Russie.
En Russie justement, jusque tard dans la soirée, la chaîne d’information Rossia 24 et plusieurs agences russes ont placé Marine Le Pen en tête du premier tour de l’élection présidentielle française, devant Emmanuel Macron. Avec force bandeaux rouges ou incrustations d’écran, la candidate du Front national l’emportait obstinément comme si le compteur, en Russie, s’était figé sur «50% des bulletins dépouillés».
Le Monde

Pour Vladimir Poutine, le face-à-face Macron-Le Pen est le pire des scénarios. Trois des quatre principaux candidats étaient favorables à un rapprochement avec Moscou – voire un alignement. Il était donc très possible que la finale oppose deux partisans d’une ligne "souple" vis-à-vis de la Russie. Or c’est le quatrième compétiteur, le plus hostile à la politique russe actuelle, qui arrive en tête. La victoire probable d’Emmanuel Macron, qui entend renforcer l’Union européenne et s’opposer à l’idéologie populiste, serait une grave défaite pour Vladimir Poutine, à la fois sur le plan international et interne. Poutine va-t-il le laisser gagner sans tenter quelque chose? Probablement pas…
D’ores et déjà, les institutions russes soutiennent ouvertement Marine Le Pen, que le chef du Kremlin a reçue juste avant le premier tour. Pour le constater, il suffit de regarder certains comptes Twitter officiels. Celui de la puissante chaîne télévision de l’armée russe, TVZvezda, par exemple. Son annonce du résultat du premier tour, contient le hashtag #JeVoteMarine…
Le Nouvel Obs

Jour tranquille

Journée de travail sans fantaisie mais fructueuse. Mes cadeaux de Noël sont finis, à un près. Mais celui qui manque est compliqué.

H. rentre de Tours aphone.
Les amants du Capricorne. Larmoyant pendant la première moitié, prenant de l'épaisseur ensuite en intriquant les cas de conscience. Ce genre d'intrigue ne serait plus possible: les personnages principaux auraient divorcé rapidement. C'est cet interdit qui permet la tension du film: comment résoudre les contradictions puisqu'il n'est permis ni de se séparer, ni de tuer?

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Jour tranquille. Je me demande si je dois changer le titre. Alep tombe, Poutine semble victorieux sur tous les fronts. Par un enchantement que je ne comprends pas, personne ne semble oser ou même souhaiter lui tenir tête. Je me dis que je vais faire mon mémoire de dernière année sur le diable (je me demande si on me laisserait faire. Ce n'est plus une explication du mal très prisée. Je pense avoir compris la méthode de ce genre de travail: établir un vaste panorama historique, à commencer par le Nouveau Testament, où Belzébuth et ses légions sont clairement nommés, ce qui permet de noicir quatre-vingt-dix pour cent des pages à rendre.)

Dans les bizarreries du temps, et pour passer de la tragédie à la farce, les époux Balkany sont accusés d'avoir organisé un mariage pour s'approprier un terrain. Dickens, Brontë, Balzac, je ne sais plus très bien. Mais que se passe-t-il?

Cette impression de farce est permanente. Farce aussi, tragique elle, le cabinet de Trump: un banquier de Goldmann Sachs aux finances, un climatosceptique à l'environnement, un général fou de guerre à la Défense, un nazi pour porte-parole, un pétrolier poutinophile aux affaires étrangères, un médecin anti Obamacare à la santé…




Je note tout ceci en espérant encore que cela paraîtra ridicule dans quelques temps, qu'il va être un président apportant la paix et la propérité… Je note tout ceci pour avoir quelque chose à répondre aux enfants qui ne sont pas encore nés lorsqu'ils viendront nous demander pourquoi nous n'avons rien fait: je note notre impuissance et notre appréhension.

Allez mourir ailleurs

A l'origine ce billet a été créé le 23 février1 et devait apparaître ce jour-là, jour où j'ai entendu confusément dans la voiture qu'un camp devait être rasé (confusément car sans entendre exactement de quel camp il s'agissait, mais en supposant qu'il s'agissait de Calais: depuis le livre d'Haydée (Saberan), je suppose toujours que c'est Calais).
Le 23 était un mardi, j'avais fini le week-end précédent une biographie de Heydrich et un goût de désespoir m'a envahi: il y a tant de similitudes avec l'entre deux guerres, même si bien sûr, les Syriens ne sont «que» des civils fuyant la guerre et non un peuple fuyant les persécutions raciales2 (que dire à propos des Chrétiens d'Orient?3).

Je poste ce billet aujourd'hui, après avoir lu des tweets sur «les ruines [du camp] de Calais qui fument encore trois jours après» (?? je n'ai pas cherché à en savoir davantage), des photos des camps grecs dans lesquels s'entassent les migrants, à dix mille dans des camps prévus pour mille…
Devenu spécialiste de la question juive malgré lui, Heydrich avait amorcé, lors de sa venue à Genève, à la S.D.N., des tractations avec le haut commissariat des réfugiés de la Sociétés des Nations, tractations reprises ensuite par la Wilhemstrasse. Comme il n'était jamais à court d'idées, il avait suggéré à Hitler, Himmler, Goering et von Neurath, alors ministre des Affaires étrangères, d'expédier les Juifs allemands en Palestine. Son idée ne parut pas folle, car Hitler, avant la guerre, n'était pas antisionniste4. Malgré les démarches du grand mufti de Jérusalem pour le mettre en garde contre l'établissement en Terre sainte de trop fortes colonies privées juives, Hitler ordonna à Heydrich de mettre son projet à exécution. De 1933 à 1939, près de cinquante mille Israélites purent ainsi quitter l'Allemagne pour la Palestine, dans le cadre d'un accord, dit le Haavara («tranfert» en hébreu), conclu en 1933, et fort intéressant financièrement pour le Reich, car Heydrich savait dépouiller les gens d'une manière apparemment légale5.

«S'il n'y en eu pas davantage, écrit André Fontaine, la faute en revient aux Britanniques, qui à partir de 1937 limitèrent à une dizaine de milliers de personnes par an le nombre de Juifs autorisés à débarquer en Eretz et refoulèrent impitoyablement les immigrants clandestins.»

Heydrich demanda au Fürher de s'adresser aux Américains, qui, après la nuit du 8 novembre 1938, avaient fait une violente campagne de presse. L'affaire passa entre les mains inexpertes de von Ribbentrop qui ne sut pas en profiter. Si les Etats-Unis s'étaient indignés à titre privé, Washington parla «quota d'immigration» à titre officiel. Seuls 27000 Juifs allemands et autrichiens furent autorisés à immigrer. Malgré les demandes et les objurgations de nombreuses organisations, ce chiffre sera maintenu jusqu'à l'entrée en guerre des Etats-Unis contre l'Allemagne6. Mieux que cela: le 17 novembre 1938, sir Ronald Lindsay, ambassadeur de Grande-Bretagne à Washington, proposa à M. Summer Welles, secrétaire d'Etat au Département d'Etat, de renoncer à un certain nombre des 83.575 visas d'immigration auxquels Londres avait droit au profit des réfugiés du Reich. La réaction de Welles fut immédiate: il rappela que le président Roosevelt avait confirmé, quarante-huit heures plus tôt, qu'il n'était pas dans l'intention de son gouvernement d'augmenter le quota d'immigration octroyé aux ressortissants allemands. Les Britanniques, eux, ne pensaient que politique arabe et refusaient, comme on l'écrit plus haut, aussi bien l'accroissement de la colonie juive de Palestine que l'ouverture de leurs propres portes et celle des membres du Commonwealth. même après la «nuit tragique», M. Malcolm MacDonald, monistre des Colonies, rejeta l'offre des Juifs palestiniens d'adopter immédiatement 10.000 enfants allemands. Un mémorandum proposant d'accueillir 100.000 Juifs du Troisième Reich avait eu le même sort.

Toutes les portes se fermaient. Les particuliers, pourtant, ne se gênaient pas aux Etats-Unis et dans les démocraties de l'Europe pour crier leur indignation. Une conférence internationale se tint pendant l'été 1938 à Evian et diverses solutions furent envisagées, mais non réalisées. Elles ne débouchaient sur rien de concret.

Heydrich écrivit dans le Schwarze Korps que personne ne voulait des Juifs, et son article fut repris quelques jours plus tard dans le Völkischer Boebachter.

«Si personne ne veut de nos Juifs», suggéra alors Heydrich au Führer au cours d'un déjeuner à la chancellerie où se trouvaient réunis Rudolf Hess, Goering, Himmler, Goebbels et Bormann, «pourquoi ne pas demander demander à la France de les accueillir à Madagascar ou au Portugal de les recevoir en Angola. Ce sont des territoires sous-peuplés.»

Les gouvernements intéressés demandèrent le temps de la réflexion. La guerre survint. Heydrich reprit cette idée après l'occupation de la France, mais cette fois c'étaient les moyen de transports qui manquaient.

Georges Paillard et Claude Rougerie, Reinhard Heydrich, le violoniste de la mort, p.227-229, Fayard 1973
Je ne peux m'empêcher de penser que tout le monde se fiche que les Syriens meurent, tant qu'ils meurent ailleurs, et chez eux serait le mieux, loin des yeux et des caméras. De façon inattendue, j'ai l'impression qu'il n'y a guère que Merkel que cela émeuve. (Et les pays d'Europe de l'Est qui découvrent soudain que l'Union Européenne, ce n'est pas que des subventions à recevoir, mais aussi des devoirs à remplir, des notions juridiques à respecter…)

Et maintenant Donald Trump candidat républicain… Cela faisait des mois que je le voyais "monter" sur FB via mes contacts américains, et chaque fois que j'ai posé la question: «Mais que se passera-t-il si…», j'ai eu droit à: «Mais non, ne t'inquiète pas, c'est comme Marine, elle est au second tour mais elle ne passe pas.»
Ne pas m'inquiéter? Mais enfin, que ces deux-là soient élus ou pas, c'est tout de même bigrement traumatisant qu'ils soient considérés comme des options envisageables par une partie de leurs concitoyens respectifs.
Cela n'affole-t-il vraiment que moi? Qu'avons-nous raté, que pouvons-nous améliorer, cela n'intéresse-t-il personne?
Pourrait-on se bouger avant qu'il n'arrive une catastrophe quelconque? (Trump-Poutine, le casting de cauchemar.)


Notes
1 : car les billets sont ouverts avec deux trois mots-clés chaque jour mais je n'ai pas le temps de les rédiger — indication précise du nombre d'heures où je n'avais rien à faire dans les années passées.
2 : cette phrase étrange et de mauvais goût au cas où l'on viendrait m'opposer le récurrent «ce n'est pas comparable» (même si sur mes blogs, c'est peu probable). Non, ce n'est pas comparable aujourd'hui, quand on sait ce qui s'est passé après 1939, mais c'est tout à fait comparable si l'on se place en 1939.
3 : Ne jamais oublier que la définition juridique nazie du juif était religieuse et non raciale (tant ce concept est insaisissable: une reconnaissance par l'absurde que la race n'est pas un critère définissable de façon certaine) cf Raul Hilberg.
4 : Ehahu ben Ellisar, La diplomatie du Troisième Reich et les Juifs, (1969)
5 : Le Monde, 27 décembre 1969
6 : L'Aurore, J.-L. G…, 8 janvier 1970

Crimée

Je croise dans le livre de C. Mauriac l'évocation de de Gaulle n'utilisant jamais le nom d'URSS, mais toujours celui de Russie. Je me surprends de plus en plus souvent à utiliser soviétique à la place de russe.

Cette histoire de Crimée me laisse perplexe. Si vraiment la population est russe à 80% (j'ai entendu 95%), il semble plus logique qu'elle soit rattachée à la Russie, et ma question serait plutôt pourquoi Khrouchtchev l'a-t-il cédée à l'Ukraine (flemme de chercher). D'un autre côté, céder à Poutine est d'une part exaspérant, d'autre part dangereux (omniprésence du souvenir des annexions d'Hitler dans les années 30).

Cela me rappelle le mari musulman il y a quelques années qui voulait casser son mariage après avoir découvert que l'épousée n'était pas vierge: comment ne pas imposer à la femme de vivre avec ce con sans donner raison au mari? Comment permettre aux habitants de Crimée de vivre dans le pays qu'ils souhaitent sans donner raison à Poutine?
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